lundi 23 mai 2011

"Du Contrat Social" de Jean Jacques Rousseau.



"L'homme est né libre, et partout il est dans les fers". Selon cette première assertion de J.J. Rousseau,  le paradoxe de la condition humaine c'est que par nature l'homme est libre et d'égale nature que les autres hommes, mais dans la vie sociale il n'y a qu'inégalités et aucun être humain n'est libre. Autrement dit chacun est contraint de se soumettre par la force à l'ordre politique  qui est source d'injustices et d'inégalités ; mais par l'essence de sa nature humaine, chaque homme n'aspire qu'à être libre et à vivre dans l'équité avec les autres. Cette conception de l'être humain a inspiré la rédaction de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 qui reprend exactement les mêmes termes que J.J. Rousseau : "chaque homme naissent libres et égaux en droits". 

Pour comprendre les présupposés philosophiques de J.J. Rousseau qui sous-tendent la théorie "Du contrat social", il faut se référer à un ouvrage majeur placé juste avant, intitulé : "Discours de la civilisation des mœurs". J.J. Rousseau y divise le processus de l'évolution de l'homme en deux étapes. La première étape de l'évolution humaine se rapporte à "l'état de nature" lorsqu'il menait une vie simple et primitive en dehors de la civilisation. Puisque personne n'était présent en ce temps là pour observer à quoi ressemblait réellement la vie de l'homme aux origines, la méthode philosophique de J.J. Rousseau pour comprendre la nature de l'homme, ne se base sur aucun fait empirique. La méthode utilisée reste purement nominaliste, c'est à dire basée sur des idées abstraites non vérifiable dans la réalité concrète. J.J. Rousseau reconstitue par le fruit de son esprit uniquement ce que devaient être les origines de l'homme au commencement du monde. L'homme était alors une créature toute neuve et innocente au milieu du Jardin d'Eden. Dans sa condition primitive l'être humain était placé au milieu d'une nature abondante et bienfaitrice qui pourvoyait sans travail aux besoins de sa subsistance. L'homme était bon, généreux, naïf, altruiste, rempli d'empathie et de compassion envers les autres créatures de la terre et ses semblables. Le mythe rousseau-iste des origines de l'homme à l'état de nature est identique au récit biblique de la Genèse d'Adam et Eve avant le péché originel. A l'état de nature l'homme vivait librement et dans l'équité avec les autres en parfaite innocence et harmonie. 

Mais subitement ce paradis a disparu, comme la chute du Jardin d'Eden, à cause d'un changement soudain survenu dans le cœur de  l'homme avec l'apparition de la "propriété privée" et de la "civilisation".  La seconde étape dans l'évolution de l'homme, radicalement opposée, à l'état de nature, est l'entrée de l'homme dans la vie sociale. Selon J.J. Rousseau c'est la civilisation qui est responsable de la corruption des mœurs. Le mal s'est introduit dans le cœur de l'être humain quand le premier homme, à l'instar de Rémus et Romulus, a dit : "ceci est mon champ !", en y érigeant une clôture tout autour, prêt à le défendre, en y excluant les autres. Depuis l'apparition de la propriété privée le péché et la corruption se sont répandus sur le monde... Le cœur de l'homme s'est laissé corrompre par les mauvaises passions de l'égoïsme, la jalousie, la convoitise, la rancœur et la haine, pouvant aller jusqu'au meurtre. Depuis l'existence de la propriété privée l'égalité entre les hommes à l'état de nature a été rompue. L'état civile se caractérise dès lors par les inégalités sociales et économiques et par la loi du plus fort sur les plus faibles. Avec l'émergence de la civilisation l'humanité s'est divisée entre les maîtres d'un côté et de l'autre les esclaves. L'homme primitif a cédé la place à l'homme civilisé. Aucune involution n'est possible pour revenir au paradis perdu à cause de la perte de notre innocence. L'homme est entaché par le mal il ne lui reste que sa nature profonde pour le sauver qui est la liberté et l'égalité.   

Puisque c'est impossible la question n'est pas de savoir comment rendre l'homme meilleurs, mais comment changer les lois ? La quête philosophique de J.J. Rousseau est de trouver un régime politique qui reflète parfaitement la liberté et l'égalité inscrite depuis le commencement des origines dans l'essence humaine. 

II) L'aliénation :

En Science Politique le mot aliénation est synonyme d'esclavage, de dépossession de la conscience de soi-même à cause du système politique qui parvient souvent à nous priver de notre âme pour diriger nos idées. J.J. Rousseau nous donne la définition primordiale de l'aliénation. Cette notion joue un rôle central dans toute l'œuvre "Du Contrat Social". "Aliéner c'est donner ou vendre", nous dit J.J. Rousseau, quelque chose à soi (bien matériel, maison, ou liberté, conscience de soi-même ...) contre autre autre chose (argent, honneurs, service, protection, sécurité ou confort...). L'aliénation de la liberté est légitime dans deux cas seulement : 1) au sein de la famille 2) dans le cadre "Du Contrat Social". Dans tous les autres cas de figures l'aliénation de sa propre liberté est illégitime. 


1) La famille :


La famille est la première institution naturelle. C'est la base sur laquelle repose la société tout entière. Au sein de la famille les parents et les enfants aliènent par utilité mutuellement leur liberté dans l'intérêt de la famille pour la conservation de l'espèce. Le père pourvoit à la subsistance des enfants en rétribution de l'amour qu'il a pour eux. Les enfants obéissent à leurs parents, pour plaire à leur parents et leur satisfaction. Cependant une fois parvenus à l'âge de raison par lequel on devient adulte, les enfants sont libres de choisir par eux mêmes les moyens pour subvenir à leurs besoins. Chacun redevient indépendant et recouvre sa liberté originelle. Le père est exempt de subvenir aux besoins des enfants une fois adultes. Les enfants quant à eux sont exempts d'obéir à leurs parents. Si la famille continue d'exister ce n'est plus par besoin naturel, mais par convention librement consentie. L'aliénation de la liberté au sein de la famille se fait uniquement par utilité de conservation. 

La famille nous dit J.J. Rousseau est à l'image de la société toute entière, avec néanmoins des nuances très importantes. Le père est à l'image du chef  et les enfants à l'image du peuple. Cela pourrait présupposer que par nature le peuple infantile est obliger d'obéir au despote paternaliste en lui aliénant sa liberté ?


2) L'illégitimité de l'aliénation de la liberté au profit du despote : 5 raisons pour ne pas aliéner sa liberté !

A) La subsistance :

Le peuple devrait aliéner sa liberté au profit du despote car celui-ci lui assure la subsistance... Or c'est plutôt le contraire qui se produit. C'est le despote qui tire très largement sa subsistance sur le dos du peuple. Le peuple est donc fondé par nature à reprendre sa liberté quand il le décide.


B) La sécurité :

Le peuple devrait aliéner sa liberté au profit du despote car celui-ci lui assure la sécurité et la paix civile. C'est souvent l'inverse qui est vrai puisque le despote mène des guerres dans son propres intérêt sans se soucier du peuple. Le peuple est là encore légitimement fondé à recouvrir sa liberté.


C) La différence entre l'autorité du chef politique et celle du père de famille :

Le père gouverne pour l'amour de ses enfants. Le despote commande de son côté pour son plaisir personnel. Il est naturel encore et toujours que le peuple reste libre.


D) L'esclavage :

A l'époque de J.J. Rousseau il était coutumier de considérer que les prisonniers de guerre qui choisissent d'être épargnés plutôt que d'être exécutés, aliènent leur liberté aux vainqueurs et deviennent leurs esclaves. Tout homme nait libre et égal par nature à ses semblables. Subséquemment l'esclavage de l'homme par l'homme est illégitime. La liberté et l'égalité demeurent là encore inaliénables.


E) Guerre :


Lorsqu'un Etat fait la guerre à un autre, ce sont les soldats qui s'affrontent, non des hommes libres. Sitôt que l'un des deux Etats remporte la guerre sur l'autre, les soldats vaincus, ayant déposé les armes, redeviennent des citoyens libres et égaux par nature. De ce fait même en temps de guerre on doit respecter les droits fondamentaux de la personne humaine. "Du Contrat social" de J.J. Rousseau, jette les bases de la doctrine moderne des droits de l'Homme et du Citoyen de la Convention de Genève (ville natale de Rousseau) pour le respects des droits de l'homme dans le cadre des conflits militaires.

Conclusion : 

L'idée à retenir, c'est que la liberté et l'égalité sont l'essence même de notre nature humaine. Subséquemment ces droits sont imprescriptibles et inaliénables (quelques soient les circonstances) !!!

II) Théorie de la Volonté Générale : 


Le principe c'est que le peuple est le fondement de la société ce que le roi n'est pas. Subséquemment le Souverain est le peuple. C'est lui qui doit se diriger tout seul. Pour gouverner le peuple doit pouvoir délibérer des grands sujets afin de faire des choix et prendre des décisions politiques. Pour cela il faut organiser le fonctionnement de la Démocratie. Pour que le peuple puisse se constituer politiquement et exister en tant que Souverain, deux conventions antérieurs au PACTE SOCIAL doivent être adoptées. La première convention (antérieur au Pacte Social) concerne la pluralité des suffrages. Pour cela la liberté des opinions politiques doit être respectée. "Nul ne peut être persécuté pour ses idées ou ses opinions politiques", DDHC 1789. La seconde convention est celle du respect de la majorité. Le principe étant que "le petit nombre se soumette au choix du plus grand". Le règne de la majorité sur la minorité pose le problème de la liberté de ceux qui ont une représentation plus faible dans le corps social et qui doivent se soumettre aux plus grand nombre. Le "CONTRAT SOCIAL" ou "PACTE SOCIAL" est la solution apportée par J.J. Rousseau à ce problème. L'organisation sociale doit trouver une forme d'association où la majorité respecte le droit de chaque individu. La majorité ne doit pas priver l'individu pris isolément de sa liberté. La majorité doit respecter le principe de la conscience individuelle. Toutes les clauses du CONTRAT SOCIAL se résument à une seule : "l'aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté". "(...) chacun se donnant à tous ne se donne à personne, et comme il n'y a pas un associé sur lequel on n'acquière le même droit qu'on lui cède sur soi, on gagne l'équivalent de tout ce qu'on perd, et plus de force pour conserver ce qu'on a". Chacun se donnant à tous, est comme s'il ne se donnait à personne. Chaque droit acquis sur un associé correspond au même droit qu'on lui cède. Ainsi l'égalité entre les citoyens est réalisée personne n'a rien à réclamer sur les autres. Et le peuple peut s'exprimer librement. Pour résumer les principes du CONTRAT SOCIAL : chacun met en commun sa personne et toute sa puissance sous la direction suprême de la VOLONTE GENERALE. Chaque corps est une partie indivisible du tout. La VOLONTE GENERALE est comme une créature vivante, ou un être collectif, ayant la qualité de PERSONNE MORALE et sa vie propre. La personne publique se forme par l'union de toutes les autres. Cela prenait autrefois le nom de CITE et depuis J.J. Rousseau celui de REPUBLIQUE. 

Conclusion :

La notion centrale de J.J. Rousseau dans son œuvre "Du Contrat Social" est celle de l'aliénation. J.J. Rousseau démontre que la liberté et l'égalité font parti de l'essence même de l'être humain. Et que par conséquents ils constituent des droits imprescriptibles et inaliénables dans tous les cas. Sauf dans deux exception qui confirment la règle. Tout d'abord au sein de la famille. L'aliénation réciproque de la liberté du père vis à vis de ses enfants pour assurer leur subsistance et des enfants vis à vis du père pour lui obéir est légitime et naturelle. Elle se paie en échange de l'amour partagé au sein de la famille et de la conservation de l'espèce. Le second cas dans lequel l'aliénation de la liberté de l'homme est possible même souhaitable est celui du CONTRAT SOCIAL. Chacun abandonne sa force et sa puissance individuelle au profit de le collectivité toute entière afin que chacun jouisse des mêmes droits que les autres. Le peuple ne pouvant se gouverner autrement que dans l'intérêt générale de tous, chacun récupère de se fait dans la vie civile la liberté et l'égalité inaliénable qui lui ôter par la disparition des formes primitives de la vie humaines avant l'existence de la civilisation.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire